« Comment la méditation constitue un jeûne de l'esprit ? Il s'imprègne alors des écrits présocratiques, d'Épicure, des stoïciens, d'Aristote avant de se tourner vers l'Orient grâce aux livres d'Arnaud Desjardins et un voyage en Inde chez les bouddhistes tibétains[7]. » Mais cette ouverture sur la spiritualité, qui donne cette confiance aux Américains, je me demande si ce n’est pas aussi un risque de totalitarisme : c’est-à-dire qu’il n’y a qu’une seule manière d’être humain, c’est la leur, et tous ceux qui ne pensent pas comme eux ne sont pas de vrais êtres humains. F. L. : C’est vrai ! Les Américains restent profondément croyants, à 95 %, et ça donne un sens à la fois à leur vie personnelle, mais aussi à la collectivité. Ce parcours, et les explications qu’il a su donner sur celui-ci ont remis beaucoup de personnes qui souffraient sur un chemin d’espoir. Il démissionne de son poste de directeur du Monde des religions le 23 octobre 2013[12]. B. C. : Quand j’ai été arrêté, en prison, pendant la guerre, j’ai compris que ma famille avait disparu et qu’on allait me tuer. Alors que si on a eu une enfance sécurisante, on souffre, mais on sait qu’on va rebondir, car petit à petit se fait cette représentation du « je vais m’en sortir ». Frédéric Lenoir, né le 3 juin 1962 à Tananarive (Madagascar)[1], est un sociologue, écrivain, journaliste et conférencier français, docteur de l'École des hautes études en sciences sociales. B. C. : C’est faux ! La rencontre entre le philosophe Frédéric Lenoir et le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, organisée par Émile, fut douce, mais exigeante : parler du bonheur, du sens de la vie, questionne forcément chacun d’entre nous.Frédéric Lenoir a beaucoup travaillé pour atteindre cette sérénité si précieuse pour affronter les fragilités de la vie. F. L. : La religion n’étant plus là, c’est vrai, pour la majorité des Occidentaux, c’est plus dur à vivre. Mais l’isolement, ce n’est pas la solitude. » Comment expliquer ça ? — Découvrez comment faire pour en améliorer la rédaction. Que fait-on quand on perd un être cher ? F. L. : Les empreintes de l’enfance n’ont pas disparu, il y a encore des blessures, mais ce ne sont plus elles qui me font agir. B. C. : À 20 ans, je me disais qu’il fallait que je fonde un foyer, que j’aie des enfants. Pour moi, la plus grande part de liberté que nous avons, c’est la manière dont on réagit aux événements. Et puis, il fallait absolument que je devienne écrivain, comme Georges Perec, pour, comme il l’écrit dans W ou le souvenir d’enfance, offrir une sépulture à mes parents. B. C. : Cela commence même dès la grossesse. Je n’ai donc pas peur de la fragilité à venir, de la vieillesse. En 1986, il entre aux Éditions Fayard comme directeur littéraire[11], poste dont il démissionnera en 1991 pour se consacrer à l'écriture et à la recherche, en tant que chercheur associé à l'EHESS. Je partage le regard de Nietzsche : dire oui à la vie, c’est dire oui à tout ! F. L. : Vous prenez Boris Cyrulnik, au bord de la mer avec des fruits de mer ! Quelqu’un m’a alors pris à partie, en me disant que mon propos était scandaleux. En France, il y a eu un déni culturel. En revanche, j’ai des amis qui, eux, en ont perdu plein, parce qu’ils ont toujours l’impression qu’on les agresse. À l’occasion de la parution de son album de voyage, rencontre avec un philosophe mystique qui aime tant le Mont-Saint-Michel qu’il en a fait un roman ! Cette réunion s’est faite avec une trentaine d’amis, des glorieux, des moins glorieux. Je lui ai certainement rapporté quelque fortune, puisque j’ai acheté tous ses livres ! Uniquement sur abonnement et tous les 2 mois dans votre boîte aux lettres! © Association des Sciences Po 2020. Nos sociétés sont aussi celles des machines et des nouvelles technologies, qui sont partout autour de nous, mais qui n’offrent pas, ou peu de relations sociales. Comment affirmer cela quand on les voit hurler, se débattre, gesticuler ? Un enfant privé d’interaction affective, au sens banal du terme (jouer avec les autres, être toiletté, faire le pitre, recevoir des câlins, mais aussi être grondé), voit son cerveau altéré, atrophié. » Je ne me mets pas en question. On l’a d’ailleurs sur tout ! Il lui faisait des déclarations d’amour, lui témoignait une tendresse infinie. Mon moyen de dépasser mes émotions, c’est d’agir. Présentation. ePub Soyons conscients de ce qui va mal, mais sachons aussi regarder ce que la vie peut offrir de merveilleux. B. C. : Cette notion d’animal-machine a fait beaucoup de mal aux animaux. Frédéric Lenoir est un écrivain, philosophe et conférencier français né à Madagascar en 1962. Et par ces souvenirs, elle continue d’exister, d’être dans mon cœur. Il a su faire des difficultés qu’il a vécues – cette enfance douloureuse qu’on connaît – un chemin de lumière, duquel s’est dégagée une vraie sérénité. Vous continuez à vous nourrir de cette joie et de cet amour. Frédéric Lenoir travaille souvent en binôme avec une femme, ce qui en fait sourire certains, et gagne maintenant beaucoup d'argent. Le philosophe a beaucoup écrit, aussi, sur cette quête qui fut la sienne. F. L. : Et la condition animale, telle qu’on la connaît aujourd’hui, où les animaux sont utilisés comme des choses, c’est aussi un héritage de Descartes, qui a considéré que l’homme, étant maître et possesseur de toute chose, pouvait utiliser les animaux comme de la matière, comme on utilise les ressources naturelles. Il fallait aussi que j’acquière un métier stable. Frédéric Lenoir va sortir un livre sur l’apprentissage de la philosophie par les enfants. Cela m’a toujours empêché de penser qu’il y avait le mal radical d’un côté, et le bien radical de l’autre. Et en faisant cela, elle voit les moments heureux et elle continue d’aimer la vie malgré l’horreur qu’elle est en train de vivre. Spinoza, lui, réconcilie le corps et l’esprit. Code ISBN / EAN : La photo de couverture n’est pas contractuelle. Ça leur donne un optimisme à tout vent. C’est aujourd’hui un homme de 81 ans, qui paraît éternellement jeune, et empli de cette sagesse, profonde et généreuse. Quand j’étais enfant, je pensais que tout ce qui m’arrivait était une malédiction… j’étais juif, j’allais donc mourir. Si j’aime Spinoza, c’est parce que cet homme-là dit mieux que moi tout ce que j’ai compris de la vie ! Quand je parle avec vous, vous êtes coauteur de mon discours, vous hochez la tête, vous souriez… même sans dire un mot, vous participez à mon discours. Ma mère, quant à elle, était certainement aimante, mais elle ne le manifestait pas du tout, parce qu’elle avait reçu une éducation catholique extrêmement stricte, dans laquelle il ne fallait ni toucher ses enfants ni leur dire qu’on les aimait. Après la Seconde Guerre mondiale, il y a eu très peu de syndromes post-traumatiques pour les enfants juifs qui sont allés aux États-Unis, comparé aux enfants restés en Europe. Je suis très impatient, par exemple, j’ai encore des moments où je ne supporte plus d’être dans une file d’attente : qu’est-ce que c’est bête de s’énerver pour ça ! Et avec Cioran, j’ai un point d’accord, un seul : nous aimons tous les deux Jean-Sébastien Bach ! C’est là-dessus qu’on peut travailler, et on peut tous le faire. Quand on est blessé, si on est laissé seul, on ne peut qu’entretenir la blessure. F. L. : Ma première motivation, au départ de la vie, c’était de trouver un équilibre dans le déséquilibre. F. L. : Je pense que j’étais en colère contre la vie pendant très longtemps (pourquoi ce père, pourquoi cette mère, pourquoi cette souffrance ? Frédéric Lenoir est maître dans la vulgarisation des pensées philosophiques et spirituelles. C’est pour ça que, depuis quelques années, je me suis lancé dans des engagements très prenants, comme la création d’une fondation (SEVE, Savoir Être et Vivre Ensemble) dans laquelle on développe des ateliers de méditation et de philosophie à destination des enfants. Même si la douleur est omniprésente, comme dit Bouddha, vous pouvez travailler sur celle-ci par le regard que vous portez sur elle. Frédéric Lenoir découvre la philosophie par l'intermédiaire de son père René Lenoir (secrétaire d’État à l'Action sociale de 1974 à 1978 sous Valéry Giscard d'Estaing) qui lui donne à lire Le Banquet de Platon à 13 ans. C’était normal qu’on me tue, puisqu’autour de moi, c’était ainsi. Donc je dirais que cette liberté est un formidable progrès… mais quel prix à payer, c’est vrai ! Elle est à Ravensbrück, où elle est humiliée, souffre de la faim, des coups. Frédéric Lenoir, né le 3 juin 1962 à Madagascar, est un sociologue, écrivain et conférencier français, docteur de l'École des hautes études en sciences sociales. Et puis arrive l’adolescence, un moment qui est souvent difficile, parce que c’est le moment où l’on doit se dégager de ces traces, pour s’autonomiser. Le bonheur viendra, en effet, comme le dit Frédéric, de la manière dont on regarde la vie. Un jour, on nous a demandé de dessiner notre corps dans le noir, en état de relaxation. Nous avons d'ailleurs la chance d'être soutenus par Frédéric Lenoir pour ce premier numéro. Anne-Sophie Beauvais (promo 2001) a été directrice générale de Sciences Po Alumni et rédactrice en chef du magazine Émile. L’être humain, en parlant, crée un monde de représentation… les animaux, eux, ont moins de choses à dire. Il sera aussi à Crans (VS) pour évoquer son best-seller La puissance de la joie. Avant-propos Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours été touché par la beauté du monde. » Il faut faire une distinction entre la douleur et la souffrance : la douleur, c’est objectif (un proche décède, vous ressentez de la douleur) ; mais à la douleur peut s’ajouter la souffrance, c’est-à-dire la représentation psychique qu’on a de la douleur. La rencontre entre le philosophe Frédéric Lenoir et le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, organisée par Émile, fut douce, mais exigeante : parler du bonheur, du sens de la vie, questionne forcément chacun d’entre nous. Voici un entretien que l’on aurait aimé prolonger encore…, Propos recueillis par Anne-Sophie Beauvais, Boris Cyrulnik et Frédéric Lenoir (crédits : Aglaé Bory). Et je n’ai jamais ressenti le besoin, biologiquement, de me reproduire. F. L. : Je rejoins complètement ce que dit Boris sur l’importance de la relation affective qui se délite dans nos sociétés. Déjà … Émission diffusée en 2011 sur une chaîne québécoise. Ce n’est pas le cas de mon ordinateur. On s’entoure de photos, on grave son nom sur une pierre, on écrit aussi pour moins souffrir de la perte. Mais pour moi, la colère se transforme toujours en action. Et je l’ai perdue. C’est aussi quelque chose qu’il faut réparer. F. L. : C’est pour ça que Spinoza nous dit que tout amour vrai, que toute joie profonde, sont éternels. Jusqu’à la fin de mes études, j’ai entendu ça. J’imagine toujours que l’autre a une bonne raison de ne pas avoir agi comme je l’aurais souhaité. Ce dernier lui fait découvrir la Communauté Saint-Jean qu'il a fondée en 1975. Et je fais la même chose dans bien d’autres domaines : les personnes âgées isolées, le peuple tibétain, les femmes victimes de violences, l’environnement, l’accueil des migrants, etc. C’est tellement hétérogène qu’on ne sait pas ce que cela désigne. », et cette cartésienne m’a répondu : « Quand votre vélo grince, est-ce que vous pensez qu’il souffre ? En revanche, sur certains sujets, je ressens aussi une nécessité de passer à l’acte… comme, par exemple, lorsqu’on dit « les gosses des quartiers sont perdus, ils ont de mauvais résultats scolaires, regardez d’où ils viennent ». Mais pour poursuivre cette question littéraire, c’est vrai qu’il y a une tradition intellectuelle française, depuis le XIXe siècle – je dirais de Flaubert, voire de Voltaire, à Luc Ferry – qui considère que le bonheur est quelque chose d’idiot. Avant de mourir à Auschwitz, elle a été emprisonnée au camp de Westerbork, et a rédigé des lettres qui nous sont parvenues. Et on le voit très bien dans les sociétés traditionnelles : si vous êtes homosexuel, par exemple, c’est parfois la peine de mort ; si vous ne partagez pas les croyances religieuses dominantes, c’est l’exclusion. Ici il évoque la vie … [...] Je reproche à cette pensée du bonheur d’oublier le négatif : la vie est un lot, avec du meilleur et du pire. Je connais beaucoup d’hommes politiques qui ont fait carrière avec moins que ça ! Auteur d'une cinquantaine d'ouvrages, il écrit aussi pour le théâtre et la télévision. Si vous avez aimé « l’alchimiste » de Paulo Coelho, ce livre initiatique de Frédéric Lenoir vous enchantera. Jamais je n’aurais pensé qu’on pouvait dire que six millions de morts, que ma famille… que tout cela n’était pas vrai. Le défi qui nous est donné, qui est inédit dans l’histoire de l’humanité, c’est d’arriver à supporter cette liberté en apprenant à recréer des lieux de communion. Et cette représentation – celle du bonheur, ou plus exactement de la « bonne heure » – va m’aider quand j’aurai un pépin. - Une citation de Frédéric Lenoir – Dieu, livre d’entretiens de Frédéric Lenoir avec Marie Drücker, Robert Laffont, octobre 2011. Je crois que pour beaucoup de ceux qui se sont intéressés au bonheur, comme Spinoza (qui a eu une adolescence très douloureuse), c’était un acte de salut. Cela a été le départ d’un questionnement, et c’est vraiment l’imaginaire et l’intelligence qui m’ont sauvé, parce que j’étais bloqué dans mon corps et mes émotions. Mais je m’occupe aussi de beaucoup d’enfants à travers mes ateliers philo. J’ai moi-même lu presque tous les livres de Boris Cyrulnik, et ils m’ont beaucoup aidé dans mon cheminement intellectuel. Dans les plus contemporains, j’irais plutôt vers Houellebecq : je suis radicalement différent de lui, mais j’adore le lire.
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