Cependant, même s'il affirme que la sphère politique doit être régie par le droit, Kant prend la précaution de rappeler qu'il faut se conformer au droit tout en tenant compte des circonstances, en agissant avec une certaine prudence : ainsi, appliquer le droit avec imprudence pourra parfois être inapproprié. Cependant, on peut émettre des objections quant à la validité de certains des arguments de Carl Schmitt ou de Machiavel. Nous l’avons vu plus haut, pour Machiavel le monde est corrompu et la majorité des gens sont fondamentalement dans l’erreur. Cela nous amène à réagir à la thèse soutenue par Machiavel, et à nous poser le problème suivant : en politique, la pratique du pouvoir doit-elle se soumettre à la morale, ou en contraire s'en affranchir ? Essai tout à la fois philosophique et politique, publié en 1532, dans lequel l'auteur expose le principe suivant lequel l'Etat doit d'abord se fixer une fin, quels que soient les moyens pour l'atteindre. De tels problèmes suscitent donc la question de la morale en politique : la pratique du pouvoir peut-elle justifier le droit de ne pas se conformer aux exigences de la morale ? Ce que Kant réprouve, c'est l'emploi exagéré de l'anthopologie que font Machiavel ou Schmitt, déduisant d'une observation de l'ordre du fait un droit à violer le droit. Cette affirmation s'incrit donc à l'opposé de la morale humaniste, contemporaine à Machiavel, qui s'inspirait des moralistes latins tels que Cicéron. La première prescription de Machiavel concerne le … Il est question dans la deuxième partie de paraître, autrement dit, de cacher au vulgaire les agissements qui seraient mal appréciés, en veillant à ne laisser ressortir que les actions ayant l'approbation du peuple, car la foule, peu éclairée, ne juge que par les apparences, et du fait de sa crédulité, il est aisé de la tromper : « les hommes jugent plus par leurs yeux que par leurs mains », comme Machiavel le dit dans ce chapitre 8 du Prince. L’ouvrage commence donc par une courte dédicace où Machiavel explique les raisons qui l’ont poussé à écrire ce livre. Le Prince doit toujours s’attirer la sympathie du peuple et s’appuyer sur les p… Penchons-nous tout d'abord sur la thèse tenue par Machiavel dans ce texte. Né à Florence, Machiavel fait des études de droit puis exercedes fonctions politiques importantes à une époque trouble. Ce texte est écrit par Machiavel dans son œuvre la plus connue, Le Prince. Carl Schmitt précise bien qu'en parlant d'ennemi, il entend par là l'ennemi public, à savoir un groupe d'individus, qu'ils soit intérieur ou extérieur à la cité, qui menace cette dernière. Car il faut reconnaître qu'une cité est de façon permanente menacée potentiellement de l'intérieur et de l'extérieur : cette menace, sans être obligatoirement réelle, reste une hypothèse possible et donc à prendre en compte. La thèse de Carl Schmitt vient donc renforcer la pensée de Machiavel selon laquelle la violence est inévitable dans la sphère politique : cette sphère se différencie des autres par la distinction qu'elle fait entre l'ami et l'ennemi, et postule donc la guerre comme horizon, et donc la violence, qui est le fait de la nature corrompue de l'homme. Il faut donc être Renard pour découvrir les pièges, et Lion pour se défaire des Loups. Peut-on séparer la morale et la politique ? Il est connu, selon les mots de Léo Strauss, pour avoir « défétichisé l’autorité », c’est-à-dire, montré ce que le pouvoir du gouvernant devait avoir d’immoral pour perdurer. En réaction contre cette instabilité, Machiavel souhaiteraitunifier l’Italie afin de recouvrer la paix et la force du pays. 2 GENÈSE DE L’ŒUVRE En quelques mois, à la fin de l’année 1513, Nicolas Machiavel rédige le Prince, en italien. En effet, pour Machiavel, garder ou gagner le pouvoir est un combat. Ils doivent donc prendre pour guides et pour modèles les plus grands personnages, afin que, même en ne s’élevant pas au même degré de grandeur et de gloire, ils puissent en reproduire au moins le parfum. stratégie   Mis à l'Index par l'Inquisition mais porté aux nues par Nietzsche, «le Prince», de Machiavel, traité brillantissime sur l'exercice du pouvoir, mériterait d'être mieux lu par ceux qui nous gouvernent... Une façon subtile et convaincante, aussi, de proposer un nouveau regard sur ce grand texte classique. Dans Le Prince, Nicolas Machiavel (1469-1527) expose cet art de gouverner en brisant les miroirs au prince des temps médiévaux. Machiavel, Le Prince, Traduction et présentation de Gérard Allard, Sainte-Foy, le Griffon d’argile, 1984, 209 p. (Coll. philosophie   En effet, dans le terme « morale », Kant désigne le droit. On peut citer Rousseau et Hobbes notamment, qui divergent dans leur opinion en grande partie parce qu'ils se font une idée très différente de l'homme. Dans Le Prince, Nicolas Machiavel (1469-1527) expose cet art de gouverner en brisant les miroirs au prince des temps médiévaux. La conscience suffit-elle à définir l'homme ? Il justifie cette idée en remarquant tout d'abord que de nombreuses thèses concernant la politique se basent sur des constats concernant la nature de l'homme. La deuxième partie va de la ligne 6 à la ligne 8 (« dissimuler »). Il propose donc une vision opportuniste plus que totalitaire de l'Etat. C’est l’œuvre d’un haut fonctionnaire de la république de Florence réduit à l’inactivité par sa destitution, éclairé par l’échec et saisi par l’idée d’une nécessaire unification de l’Italie autour d’un homme. le prince, pour être en mesure de gouverner, doit être conscient de ses caractères, car la crainte lui profitera bien plus que l'amour, mais aussi pour dompter les revers de fortune. Ainsi, si le Prince peut déroger à ses obligations en tant qu'homme, il ne peut toutefois déroger à ses obligations en tant que chef d'Etat, à savoir, assurer la stabilité de l'Etat. catch(e) {Xt_r = document.referrer; } Machiavel compare ce talent de « simuler et de dissimuler » à la « nature du renard ». Les premiers sont excellents, les seconds sont bons, et les derniers inutiles. philosophie politique   ». Un prince doit se montrer cruel s’il est nécessaire. Par Simone Douek. Pour lui, la stabilité de l'Etat ne peut être assurée en ayant exclusivement recours aux lois, il est parfois nécessaire d'user de la violence pour arriver à ses fins en politique, selon que les événement y obligent ou non. Kant enfin permet de réfuter l'idée des machiavelistes selon laquelle un gouvernement exemplaire devrait dissimuler une partie de ses agissements pour être efficace. Cet exemple montre bien qu'il s'agit avant tout de paraître bon, en faisant à l'occasion prendre les mesures impopulaires par quelqu'un d'autre, en se réservant celles qui ont la faveur du peuple. Machiavel et La Boëtie ont l'un et l'autre un développement sur la lâcheté ; quoi de plus naturel, mais aussi quoi de moins probant, puisque chez le premier il s'agit de la lâcheté du prince, chez le second de là lâcheté des sujets ? Nicolas Machiavel (en italien : Niccolò di Bernardo dei Machiavelli) est un penseur humaniste italien de la Renaissance, né le 3 mai 1469 à Florence, en Italie, ville où il meurt le 21 juin 1527. Partir d'une telle idée, c'est cependant affirmer que l'homme n'est pas libre puisqu'il est incapable de se gouverner, c'est par conséquent refuser l'idée du devoir. Xt_i += 'src="https://logv2.xiti.com/hit.xiti? Kant ne va cependant pas jusqu'à affirmer que la transparence d'une action politique permet de déterminer si elle est juste, il remarque qu'une politique incompatible avec une telle « transparence » doit être jugée injuste. Aucune norme ne doit entraver le but du prince (Machiavel écrit à l'attention de Laurent de Médicis), qui est d'établir et de conserver l'ordre au sein de l'État. Schmitt affirme en outre, dans la lignée de Machiavel, que la politique doit considérer la nature corrompue de l'homme. Dans sa jeunesse, il fut surtout le t… » Une nouvelle édition riche en illustrations et documents sur l’univers de Machiavel, ses sources d’inspiration, sa postérité. » Enfin, la troisième et dernière partie, qui s'étend de la ligne 8 à la fin de l'extrait, expose l'idée que le Prince ne peut et ne doit réunir un ensemble de qualités s'il veut assurer la stabilité de l'Etat, et qu'il pourra par conséquent (mais en dernier recours) user de méthodes violentes. Il entend par là qu' « il y a deux manière de combattre, l'une par les lois, l'autre par la force ». Ainsi Carl Schmitt, lecteur de Machiavel, pense-t-il que renoncer à la violence serait à la fois illégitime et immoral : « ce serait une stupidité de croire qu'un peuple sans défense n'aurait que des amis, et il serait bien malhonnête de compter que l'ennemi se laisserait peut-être attendrir par la non-résistance. Freud, Métapsychologie : l'hypothèse de l'inconscient (1), Russel, Problèmes de philosophie : La valeur de la philosophie, Partagez l'adresse du corrigé à vos camarades, proches ou élèves. Parfois, remplir son devoir en tant que Prince signifiera donc user de méthodes amorales. “Historien, comique et tragique” : c'est ainsi que se désigne lui-même Machiavel, en signant une lettre adressée à son ami Guichardin à propos des événements de 1525, et des temps troublés où Charles Quint assure sa mainmise sur la péninsule italienne. Selon Machiavel, la politique est distincte de la morale : une bonne politique est une politique efficace, et non nécessairement morale. Il entend donc par là que le Prince ne peut gouverner uniquement par des démonstrations de force, mais qu'il doit, lorsque cela est nécessaire, à savoir, lorsque la force des lois se montre insuffisante, faire preuve de ruse, qui se révèle parfois plus efficace que la force brute. Machiavel, Le Prince, Paris, Gallimard (Folio classiques), 1980, chap. littérature italienne   La fin justifie les moyens, on ne fait pas de bonne politique avec de bons sentiments. Desjonquères) Machiavel a occupé un poste important dans la directi… Il souligne que chacune des deux manières n'est pas suffisante, et pour maintenir l'Etat, que l'on ne peut avoir recours exclusivement à l'une des deux, sans quoi on ne saurait se prémunir contre tous les incidents de la « fortune » : combattre par les lois « bien souvent ne suffit pas », car plusieurs obstacles peuvent entraver le Prince. Ainsi, se poser la question de savoir si la politique doit obéir aux exigences de la morale, c'est déterminer si elle doit se soumettre au droit : il distingue donc bien la sphère publique de la sphère privée, où il s'agit d'adopter une conduite vertueuse. Donc, puisqu'un Prince est obligé de savoir imiter les bêtes en temps et lieu, il doit surtout prendre pour modèles le Lion et le Renard : le Lion ne sait pas éviter les filets ; le Renard ne peut se défendre contre les Loups. D'une part, Machiavel affirme qu'il est irréaliste d'imaginer qu'un Prince doive absolument réunir dans sa personne tout un ensemble de qualités. Ses idées politiques ont mis en place les fondements de la politique moderne. Et de même je recommande au lecteur la façon dont M. B. commente ces mots de La Boëtie : « Jamais à bon vouloir ne défaut la Fortune ». Machiavel justifie ainsi dans cette phrase l'amoralisme du Prince. Mais il est en premier lieu nécessaire de distinguer ce que cherche à démontrer Kant dans son Projet de paix perpétuelle. La fin justifie les moyens, on ne fait pas de bonne politique avec de bons sentiments. Il y a trois sortes d'esprit. Aussi est-il nécessaire à un prince, s'il veut se maintenir, d'apprendre à pouvoir n'être pas bon, et d'en user et n'user pas selon la nécessité. Pour ces derniers, une bonne gestion de l'Etat était indissociable d'une conduite vertueuse, conforme à la morale, tandis que selon Machiavel, un Prince ne doit être prisonnier d'aucun principe hormis celui de réussir. Machiavel a donné en français naissance à plusieurs termes : "machiavélisme" et ses dérivés, pour qualifier une interprétation politicienne cynique de l’œuvre de Machiavel et "machiavélien" pour les concepts développés par Machiavel dans son œuvre. Une fois la thèse de Kant cernée, on peut voir en quoi ses pensées peuvent nous permettre de dire que les arguments de Machiavel ou de Carl Schmitt sont irrecevables : Kant entreprend de montrer pourquoi l'argument de la nature pervertie de l'homme est réfutable. Machiavel expose donc dans cet extrait ses convictions quant à la manière de gouverner : le Prince doit savoir maintenir l'Etat, en usant tantôt de la ruse, en soignant son « image », tantôt de la force, lorsque les évènements l'imposent. Machiavel justifie ainsi dans cette phrase l'amoralisme du Prince. S'il affirme que le Prince ne peut et ne doit se conduire en homme de bien, Machiavel souligne malgré tout qu'un bon Prince ne doit pas faire un usage inapproprié de son pouvoir. Cependant, plusieurs des arguments de Carl Schmitt comme de Machiavel peuvent être jugés irrecevables, comme nous permet de le démontrer Kant. On peut voir le texte en trois parties : la première partie va du début du texte à la ligne 6 (jusqu'à « vôtre »). Le Prince pourra « agir contre l'Humanité, contre la charité, contre la religion même. Mesure d'audience ROI statistique webanalytics par, Proposé par: if(parseFloat(navigator.appVersion)>=4) essai   —-L’art de gouverner «Il n’est pas bien nécessaire qu’un prince possède toutes les bonnes qualités, mais il l’est qu’il paraisse les avoir. De 1498 à 1511, il exerce les fonctions de secrétaire de chancellerie à Florence et se voit confier des missions politiques importantes et délicates dont il s'acquitte avec efficacité et fidélité. D'ailleurs, Machiavel reprend cette idée dans le chapitre XVII du Prince, lorsqu'il affirme que « le Prince qui s'est fondé seulement sur leurs paroles (celles des hommes), se trouve nu d'autres préparatifs, il est perdu. Pourtant, lorsque l'on fait une étude plus poussée des idées de cet auteur, on réalise qu'elles sont réfléchies et loin d'être simplistes et réductrices. Cependant, au vu de la pensée de Kant, il apparaît que certains des arguments de ces deux auteurs ne sont pas recevables, et que la sphère politique doit donc suivre le droit établi. L'exemple le plus parlant retenu par Machiavel est celui de Cesar de Borgia. La fortune étant un “fleuve impétueux“, le Prince doit prévenir les affres du destin, agir pour anticiper le futur. […] Ce qui est absolument nécessaire, c'est de savoir bien déguiser cette nature de renard, et de posséder parfaitement l'art de simuler et de dissimuler […]. On doit bien comprendre qu'il n'est pas possible à un prince, et surtout à un prince nouveau, d'observer dans sa conduite tout ce qui fait que les hommes sont réputés gens de bien, et qu'il est souvent obligé, pour maintenir l'État, d'agir contre l'humanité, contre la charité, contre la religion même. prince   Machiavel exprime cette idée dans le Discours : « si le fait l'accuse, le résultat l'excuse. try {Xt_r = top.document.referrer;} Si on lit Le Prince avec attention, ou verra que Machiavel, en se fondant sur des considérations d’intérêt, de sécurité, et surtout de puissance militaire, incite le prince à créer les conditions de la république où il faut lutter contre les puissants, protéger les humbles, armer le peuple et non s’armer contre lui. pouvoir   Machiavel, Le Prince : Le moment opportun pour agir, Nietzsche, Généalogie de la morale : La morale, distinction du bien et du mal, Spinoza, Traité théologico-politique : L'autorité politique. Xt_i = ''); En d'autres termes, si une politique nécessite de le secret, c'est qu'elle ne se conforme pas au droit. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque centrale de Radio France. Nicolas Machiavel (1515) Le Prince 4 Machiavel naît et meurt à Florence (1469 - 1527). Partant de ce postulat, qui dit guerre entend obligatoirement désigner un ennemi en vue de le combattre, et ce, pour la sécurité de l'Etat et de ses citoyens. Xt_param = 's=605647'; '+Xt_param; Des milliers de livres avec la livraison chez vous en 1 jour ou en magasin avec -5% de réduction . Comme il l'affirme dans le 3ème chapitre du 1er livre du Discours sur la 1ère décade de Tite-Live, les hommes ne sont bons que lorsque l'on les y force, « qu['ils] ne font le bien que forcément ». Affirmer une telle chose, n'est-ce pas rendre impossible l'idée du devoir ? Le Prince n'est cependant pas à proprement parler immoral, mais au-dessus de la morale ordinaire du citoyen, puisque son devoir n'est pas d'observer une conduite digne d'un homme de bien, mais d'assurer la stabilité de l'Etat, ce qui le place au-dessus de la morale ordinaire. Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Rejoignez Babelio pour découvrir vos prochaines lectures. (eleve), Machiavel, Le prince : politique, promesse et morale, Dites-nous si vous relevez des fautes ou erreurs. roman   Machiavel Source Pour plusieurs, Machiavel est associé aux dictateurs. Machiavel décrit de façon imagée comment le Prince doit savoir adapter au besoin sa nature, et se comporter tantôt en « lion pour faire peur aux loups », tantôt en « renard pour connaître les filets ». «Le très pénétrant Machiavel […], cet homme très sage, dont il est évident qu’il fut pour la liberté, pour la défense de laquelle il a donné les conseils les plus salutaires.» Spinoza (Traité politique, V, 7). Plusieurs idées s'y imbriquent : Machiavel affirme que le Prince ne peut et ne doit pas se comporter en « homme de bien », de part ses obligations en tant que chef d'Etat, qui diffèrent de celles d'un tel « homme de bien ». Copie complète. Quand est-ce qu'un régime politique peut prétendre être légitime, et par là même, exiger l'obéissance ? Borgia fait donc exécuter son ministre, et paraît ainsi supprimer un tyran, alors qu'il l'avait lui-même fait monter au pouvoir.